Vous êtes ici

Escandorgue : contre l'extension du parc éolien de Dio & Valquières

Milan près d'une éolienne

Illustration : un milan noir passe entre des éoliennes (source : ACNAT)

Le massif de l'Escandorgue dans le Haut-Languedoc fait l'objet de très nombreux projets éoliens. Celui-ci concerne 8 éoliennes supplémentaires qui viendraient s'ajouter aux 7 déjà en place sur le parc de Dio et Valquières. Nous avons fait une réponse rapide à l'enquête publique, qui se base sur une étude naturaliste mal faite, minimisant les enjeux et ne prévoyant pas de dossier CNPN.

Situation du projet

Ci-dessous la carte de l'unité paysagère de l'Escandorgue avec la localisation du parc (carte 3 de l'étude naturaliste CERA Environnement).

Notre réponse à l'enquête publique

Relativement à nos compétences nous nous sommes attachés plus particulièrement à la lecture de l’étude naturaliste (annexes 2 et 4). Nous tenons à souligner d’ores et déjà le fait que ce volet de l'étude d'impact soumise à l'enquête publique nous semble insuffisant comme nous le développons ci-après (sans toutefois être exhaustif quant à ses insuffisances et contradictions mais en citant seulement quelques exemples) et qu'en conséquence les mesures  proposées ne sont absolument pas en adéquation avec  les enjeux et les impacts réels de ce territoire. Plus grave, toutes les remarques mentionnant des effets notables sur les enjeux naturalistes ont été ignorées dans le résumé non technique.

Sur le plan méthodologique

Nous nous étonnons par exemple des différences relevées sur la quantification de l’effort de prospection concernant les IPA (p.15 de l’étude naturaliste = 3 relevés x 1h40 / p.18 = 4 relevés pour un total de 18h). L’inadéquation et l’insuffisance des prospections floristiques mentionnées dans l’étude naturaliste ne sont pas reprises dans l’étude d’impact, pourquoi ?

En ce qui concerne les chiroptères, p. 19, les périodes "reproduction" et "migration prénuptiale" sont inversées ce qui ne paraît pas très sérieux. Surtout, aucune écoute en altitude n'est évoquée alors qu’elles sont normalement exigées dans les recommandations d’Eurobats et de la SFEPM. Sans ce type d’écoute il est bien difficile d'évaluer les risques de collision. Ces exemples laissent planer le doute sur la qualité des efforts de prospection qui nous semblent par ailleurs très insuffisants pour d’autres taxons.

En ce qui concerne l’avifaune il est à noter que seulement 2 heures ont été consacrées aux relevés des espèces nicheuses hors passereaux (IPA). Nous devons donc en déduire que pour l’état initial les espèces non ciblées par la méthode des points d’écoute (ex : rapaces) sont inventoriées marginalement soit lors des points d’écoute soit lors des suivis migration. Il n’est pas possible d’évaluer correctement les enjeux pour les rapaces nicheurs avec un tel protocole. Il est également précisé que les relevés pour les « éventuelles » espèces d’oiseaux nocturnes ont été réalisés conjointement aux relevés chiroptères, or les périodes d’activité durant lesquelles certains rapaces nocturnes sont détectables ne sont pas concomitantes avec les pics d'activité des Chiroptères. Ces espèces ne peuvent donc apparaître dans les résultats, alors que la présence du Grand-duc d’Europe ou de la Chouette hulotte est très probable sur ces secteurs.

Les recherches ciblées sur les reptiles, amphibiens et insectes, ont été effectuées lors d’une seule journée en juillet. Le propos laisserait croire que les méthodes ciblées (habitat spécifique, captures au filet, etc.) auraient été mises en œuvre lors des points d'écoutes passereaux  ou des observations à poste fixe, ce qui paraît pour le moins incompatible techniquement.

Sur l’état initial

L’importance du site pour l’avifaune nous apparaît clairement minimisée. Il est regrettable que les cartes représentant les flux migratoires ne mentionnent que les éoliennes existantes et non celles en projet. Nous nous rendrions compte de l’effet évident sur des flux qui sont par ailleurs non négligeables. L'enjeu est considéré comme modéré à faible alors que les altitudes de vols observées sont basses !

En ce qui concerne l’Aigle royal l’apparent faible nombre d’observations au regard de la pression d’observation est faussement interprété comme marginal alors que de telles méthodes (§ précédent) ne peuvent réellement évaluer l’importance de la zone pour son alimentation. Mais il est dit dans les enjeux « l’importance du site pour l’Aigle royal incite simplement à laisser accessible des zones de chasse ouverte et sans obstacle aérien ». Cela signifierait-il que les éoliennes ne sont pas des obstacles aériens ? ou que les milieux d’implantation ne sont pas ouverts ? Pour notre part nous comprenons cette phrase de la façon suivante : le bureau d’étude entend que cet aménagement est incompatible avec la présence de l’Aigle royal.

Toujours en ce qui concerne les rapaces il est dit avec beaucoup de légèreté que ceux-ci semblent éviter les éoliennes existantes. Il nous semble qu’un suivi du parc préexistant aurait dû fournir des données sur ses impacts avérés or il n’en est fait mention que de manière anecdotique.

Une phrase retient notre attention au chapitre espèces nicheuses p.85 : « le couloir entre les 2 groupes [d’éoliennes] existants est souvent utilisé, il devrait rester libre dans le projet d’extension. ». Il est incontestable au regard des résultats concernant les passages migratoires, que ce propos est également valable concernant les flux de migration (fig 15 p.90) et il est étonnant de ne pas voir figuré sur cette carte les éoliennes du projet. Mais il est vrai qu’il est précisé plus loin, sans le moindre complexe, que ces passages ont très majoritairement soit en dessous de la portée des pales soit au dessus (!)… Les observateurs sont probablement très compétents pour pouvoir s’abstraire des erreurs de parallaxe !

Enfin l’étude mentionne que le projet est localisé au sein du périmètre du PNA Aigle de Bonelli en tant que site vacant. Cette même étude oublie de mentionner que ce même PNA, validé par le MEDDE, stipule que l’on doit absolument éviter l’implantation d’éoliennes au sein de ces périmètres.

En ce qui concerne les chiroptères, les niveaux d'activité mesurés sont relativement faibles, mais aucun détail n'est donné sur comment les appareils de mesure sont réglés. S’ils sont sur un réglage très peu sensible, cela peut complètement fausser l'évaluation des enjeux.... Le problème est aggravé par l'absence d'enregistrements en altitude.

Nous relevons quelques incohérences dans l'évaluation des enjeux p.113, Tableau 44. Par exemple, le Vespère de Savi obtient un enjeu plus fort que la Barbastelle alors que sa valeur patrimoniale est plus faible et son activité équivalente (et que l'enjeu est censé être calculé uniquement sur ces 2 valeurs : patrimoniale * activité).

P.115, Tableau 46 nous notons un gros problème dans le calcul de sensibilité "affinée" à l'éolien car il tient compte du nombre de cas connu sans tenir compte de la rareté de l'espèce. Des espèces très sensibles, mais peu communes, ne peuvent en effet être l'objet d'autant de cas de mortalité que les espèces communes comme les Pipistrelles. Résultat ici : 2 espèces peu communes et patrimoniales se retrouvent "retrogradées" avec une sensibilité à l'éolien sous-évaluée.

Le chapitre sur les reptiles (seulement 1 espèce relevée !) est totalement indigent et à mettre en relation avec l’effort de prospection quasi nul, sous prétexte d’un a priori de faible impact de ce type de projet sur ces groupes. Or la destruction d’individus en phase chantier ne peut pas être évacuée.

Sur les impacts cumulés

Sur ce chapitre nous serons bref car cela devient un grand n'importe quoi et même l’Autorité Environnementale ne s'y trompe pas dans son avis. De notre côté, nous relevons par exemple p.151 : "en l'absence d'information sur la mortalité induite par le parc existant, il est difficile de quantifier le surplus attendu", cela se passe de commentaire si l’absence de suivi de mortalité sur un parc existant, sur un territoire à fort enjeu naturaliste, permet de justifier un surplus de mortalité, en présence de pas moins de 10 espèces nicheuses d'intérêt communautaire (Annexe 1 directive Oiseaux) et pour certaines très sensibles à ces risques (cf mortalité de Busard cendré sur le parc éolien d’Aumelas dans l'Hérault)… Nous pouvons également renoncer à considérer la préservation de la biodiversité comme un enjeu majeur de notre époque.

Dans la phrase suivante, on invente d’ailleurs le suivi de mortalité "éclair" : on est passé par là en venant et on a pas trop vu de cadavres donc ça doit être pas trop grave... Juste après, on apprend que puisque le parc le plus proche se trouve de l'autre côté de la vallée de l'Orb, il est "peu probable" que oiseaux et chiroptères exploitent les deux côtés... C'est bien connu, les rivières sont des barrières infranchissables pour les animaux volants... On apprend ensuite que le balisage lumineux, fait pour l'aviation, est aussi respecté des migrateurs nocturnes qui évitent soigneusement de voler à proximité ! Nous sommes curieux de connaître les publications qui en font état.

Et pour conclure, l'argument implacable du "c'est pas moi, c'est lui qui est plus près du nid d'Aigle royal"…

Une étude "dans les règles de l'art" en somme.

Sur les mesures de réduction et de compensation

Page 155, mesure R5 : un asservissement des machines est "envisagé" pour seulement les machines les plus problématiques, et encore seulement une sur deux ! Les mesures d'évitement et de réduction ne nous semblent aucunement appropriées aux enjeux relevés tant en termes d'habitats que d'espèces.

Rien n'est proposé pour compenser la mortalité, seulement pour de la perte d'habitat or le nombre et le statut des espèces susceptibles d’être impactées nécessite à l’évidence un dossier de dérogation au titre du code de l’environnement qui se devrait de proposer des mesures de compensation à la hauteur des enjeux.

L'évaluation des effets cumulés avec les nombreux autres parcs éoliens en projets sur ce territoire, en particulier pour les chiroptères et les grands rapaces est inexistante ce qui n'est pas conforme au code de l'environnement.

Nous n’avions encore jamais vu un document intitulé "Argumentaire justifiant d'une non-demande de dérogation pour destruction d'espèces protégées" (Annexe 4). Les conclusions sont abusivement complaisantes : impact résiduel jugé négligeable alors que les mesures de réduction sont insignifiantes (2 éoliennes asservies sur 8, avec aucune contrainte chiffrée en termes de réduction de la mortalité). Les deux paragraphes qui concluent sur le risque de mortalité page 30 oublient totalement les chiroptères. On parle de "connaissance des lieux", un argument sans aucune valeur. Nous tenons à rappeler ici que tout projet susceptible de destruction d'espèce protégée (et pour certaines, de leurs habitats) est soumis à une demande de dérogation pour leur destruction auprès du Conseil National pour le Protection de la Nature (CNPN). La présence avérée de ces espèces sur la zone d'étude aurait dû conduire les bureaux d'études à préconiser dans leurs conclusions la nécessité d'une demande de dérogation à la destruction de ces espèces.

Nous considérons donc que les études réalisées sont insuffisantes, qu'elles font une interprétation erronée des résultats obtenus et que leurs recommandations ne sont pas juridiquement recevables (absence de demande de dérogation pour la destruction d'espèces protégées et donc absence de mesures compensatoires). Nous considérons que les conclusions de l'étude d'impact jointe à l'enquête publique ne sont pas représentatives des impacts du projet, occultent totalement les impacts cumulés des multiples parcs éoliens en projet à notre connaissance et que les mesures d'évitement, de réduction et de compensation sont inappropriées. Pour toutes ces raisons, nous exprimons notre opposition à l'autorisation d'exploiter cette extension du parc éolien sur la commune de Dio et Valquières.  Nous insistons sur le fait que la soumission au CNPN d'un dossier de dérogation pour destruction d'espèces protégées s'impose à notre sens pour ce projet.

Fichier attaché à un article: 

Users haven't viewed anything yet.

Theme by Danetsoft and Danang Probo Sayekti inspired by Maksimer