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Oxylane : réponse d'ACNAT à l'enquête publique

Illustration : zone de garrigue qui doit être détruite pour construire le magasin Decathlon sur le site d'Oxylane

Du 26 septembre au 27 octobre avait lieu l'enquête publique sur le projet de centre commercial Oxylane (Décathlon) à St Clément de Rivière. Ci-dessous la réponse d'ACNAT.

SOMMAIRE

I. Vices de procédure

1. Confusion générale sur l’avis d’Enquête Publique
2. Affichage
3. Difficulté d’accès au dossier en format numérique

II. Sur le fond du projet

1. Un projet qui relève de la poudre aux yeux
2. Halte à la consommation de terres agricoles
3. Vers une poursuite illimitée de l’étalement urbain
4. Imperméabilisation urbaine et inondations

III. Arguments naturalistes

1. Un paysage en voie de disparition
2. L’étude d’impact n’a pas utilisé toute l’information disponible sur la faune et la flore
3. Notre analyse groupe par groupe

a. MAMMIFERES
b. OISEAUX
c. AMPHIBIENS
d. REPTILES
e. INSECTES
f. FLORE

4. Conclusions sur l’effort de prospection

a. Un calendrier de prospection insuffisant et incohérent
b. Un site à forte potentialité et une aire d’étude à élargir

5. Une fonction de corridor biologique négligée
6. Des impacts systématiquement sous-estimés
7. Des mesures compensatoires inadaptées
8. Absence d’avis de l’Autorité Environnementale

IV. Conclusion


 

I. Vices de procédure

 

1. Confusion générale sur l’avis d’Enquête Publique

Tout d’abord nous tenons à dénoncer l’amateurisme avec lequel cette enquête publique a été organisée. En premier lieu, le fait qu’une première enquête publique ait été annoncée du 2 septembre au 4 octobre 2014, puis brutalement reportée, a été un facteur de confusion.
Nous disposons du 1er avis publié pour cette enquête, qui avait par ailleurs été affiché sur site, puis retiré. Cet avis et son affichage n’étaient absolument pas réglementaires. L’avis d’enquête avait également été annoncé sur le site CCE-LRV et n’a pas été retiré, ce qui fait que pour les non-riverains que nous sommes (et utilisateurs du site CCE-LRV), le report n’était pas particulièrement évident.

Un second facteur de confusion a résidé dans l’annonce de l’enquête reportée sous un intitulé différent de la première, sur le site CCE-LRV : le 1er avis était intitulé « permis d’aménager Décathlon » sur le site CCE-LRV. Toujours sur le site CCE-LRV, l’enquête reportée à la période du 26 septembre au 27 octobre 2014 était intitulée différemment (!), soit « P.a. lotissement oxylane à saint clement de riviere ». Dans le même temps, sur le site concerné par l’aménagement, l’avis d’enquête affiché (concernant le report du 26/09 au 27/10) était intitulé « permis d’aménager Décathlon ». Donc, jusqu’à ce que nous allions vérifier sur le site-même et que nous nous renseignons par ailleurs, nous avons cru qu’il y avait finalement 2 enquêtes simultanées concernant deux actes différents.

2. Affichage

Le 1er affichage était absolument non réglementaire.

L’affichage réalisé pour le report d’enquête a été corrigé, néanmoins, il était illisible pour plusieurs raisons :

  • un panneau était totalement inaccessible, le long de la D986, route à 4 voies limitée à 110 km/h, sans bande d’arrêt d’urgence. Pour le lire il fallait soit s’arrêter au bord de la 4 voies (très dangereux), soit, en prenant la sortie au niveau du Mas de Piquet, s’arrêter – au plus près possible – au début de l’ancienne route de Ganges (embranchement du chemin du Mas Dammartin), puis traverser à pied une friche et un bassin de rétention (panneau illisible sauf muni de jumelles – photo de gauche, ou encore partir en randonnée à travers champs à partir de la D127 (photo de droite).

 

  • des tags (« SAUVONS LA NATURE » et « SVP STOP AU MASSACRE ») ont été réalisés en gros et à la peinture noire sur les deux seuls panneaux accessibles le long de la route D127 à hauteur du carrefour de Bissy. Les panneaux n’ont jamais été remplacés.

 

3. Difficulté d’accès au dossier en format numérique

Il est regrettable que le dossier d’enquête publique n’ait pas été accessible facilement dans un format numérique. A l’ère de l’informatique, il est difficile de penser que ce format numérique n’existe pas et qu’il soit si difficile de le partager (sur une clé USB, en ligne...). Au lieu de cela, il a été nécessaire de se rendre en mairie pour faire des photos du dossier de manière à ce qu’il soit partagé. Ce n’est pas ce que nous appelons favoriser l’information du public. Nous pensons au contraire qu’il est tellement aisé de nos jours de partager ce type de contenu dans un format numérique (qui existe forcément) que l’absence de cette possibilité ne pouvait avoir qu’une origine volontaire pour freiner la participation à l'enquête.

II. Sur le fond du projet

 

1. Un projet qui relève de la poudre aux yeux

Notre association ne partage pas la conception de la mairie de Saint Clément de Rivière sur ce qu’est ou devrait être « l’esprit nature ». A nos yeux, le concept de village sportif développé par Décathlon c’est rien de plus qu’un concept marketing, destiné à repeindre en vert un vulgaire aménagement commercial. Il suffit de s’intéresser aux centres commerciaux Oxylane existant en France pour constater à quel point ceux-ci sont peu différents des centres commerciaux habituels. Ce projet relève donc bien plus du greenwashing à visée commerciale, donc de la manipulation, que d’un réel projet s’inscrivant dans la transition écologique.

Non content de favoriser la concentration des profits dans les mains d’un grand groupe déjà implanté sur l’agglomération, et qui risque de mettre en danger nombre de commerces de taille plus modeste aux alentours, il nous semble véhiculer une drôle de conception du sport devenu commerce, et plus encore, une drôle de conception des « sports de nature » (fitness en salle, foot en salle, badminton en salle, escalade en salle, côtoyant restaurants et thalassothérapie). Le fait que cet endroit soit plébiscité par la municipalité de St Clément de Rivière pour devenir la « porte d’entrée » symbolique de la communauté de communes du Grand Pic Saint Loup en dit long sur la déconnexion des promoteurs de ce projet de la réalité de leur territoire, ou des aspirations de la population. Les envolées lyriques du journal municipal le Clémentois sur un mirifique « concept international » ne suffisent pas à masquer la pauvreté de ce projet qui vise ni plus ni moins à remplacer un espace de nature par un nouveau temple de la consommation.

Ajoutons à cela l’existence d’une surface considérable de centres commerciaux équivalents au sein et aux alentours de Montpellier. Les Pages Jaunes nous donnent une liste de 20 magasins de sport sur la seule commune de Montpellier (48 « à proximité » de Montpellier), plusieurs dizaines de magasins de cycles, 6 centres de thalassothérapie à moins de 20 km, une centaine de centres de Fitness à proximité de Montpellier, 34 jardineries à l’échelle de l’agglomération (du petit magasin à la pépinière) et deux sites d’accrobranche à moins de 30 km… Ce projet nous paraît donc profondément inutile, et même nuisible économiquement.

2. Halte à la consommation de terres agricoles

En 2012 la Direction Départementale des Territoires et de la Mer (DDTM) a tiré la sonnette d’alarme concernant la consommation des meilleures terres agricoles de plaine dans le Languedoc-Roussillon, et en particulier dans l’Hérault. Selon elle, entre 1997 et 2009 (12 ans) :

  • 51 % des terres à fort potentiel agronomique ont été artificialisées dans l’Hérault
  • 46 % des terres à fort potentiel agronomique ont été artificialisées dans le Languedoc-Roussillon

Ces bonnes terres agricoles se trouvent en majorité dans la plaine et autour des villes. Il ne nous paraît pas acceptable d’hypothéquer l’avenir de l’humanité en poursuivant la destruction du plus grand potentiel agronomique de nos territoires.

L’implantation du projet Oxylane sur l’emprise du domaine agricole historique des Fontanelles ne nous paraît pas acceptable. La vocation agricole de ces terrains est clairement sous-estimée à tort dans le dossier : les terres sont dites  « à l’abandon ». Cet abandon est attribué à une tendance générale à la baisse des surfaces agricoles dans la région, ce qui est une grossière erreur d’appréciation. Les terrains dont il est question ici étant bien desservis et de bonne qualité, ils ne sont pas concernés par « l’abandon » de l’activité agricole. Ces terrains ne sont très probablement pas cultivés du fait de la connaissance par le propriétaire des projets en cours sur son propre terrain. Sans autre perspective que la vente, il est évident qu’il ne va pas planter des vignes, par exemple, dont les premiers rendements nécessitent plusieurs années de soins. Par ailleurs, à l’heure actuelle, plus de 19 ha sur les 23,5 ha du site choisi sont toujours en très bon état pour être cultivés, soit environ 90 %. Or dans le projet cette surface cultivable se réduit à 4 ha ! Cette surface ridicule et isolée dans une matrice urbaine ne permettra pas une gestion rationnelle de l’espace agricole et ne peut avoir qu’une fonction décorative.

3. Vers une poursuite illimitée de l’étalement urbain

On remarquera que Saint Clément de Rivière fait partie de ces villes qui se sont spécialisées dans l’habitat individuel extensif pour personnes aisées, mode de développement extrêmement consommateur d’espace et de ressources naturelles, avec le record du nombre de piscines à l’hectare, et d’innombrables constructions de villas en pleine forêt au mépris du risque incendie. Cette manière de développer la ville est aujourd’hui condamnée partout et ne s’inscrit aucunement dans la transition écologique.

Il semble qu’il soit question de créer une continuité urbaine de Montpellier – Saint-Clément – Saint-Gély-Du-Fesc sur l’axe de la RD986. Cette continuité aura pour conséquence directe et indirecte une accélération et une légitimation de la destruction des terres agricoles alentour, au profit du logement péri-urbain. Quelle est la cohérence territoriale d’un tel projet ? Il est permis de poser la question de l’existence d’une limite à l’étalement urbain. Doit-on considérer ce fait comme inéluctable ? Dans ce cas, jusqu’où va-t-on urbaniser et dans quel type d’environnement vivront les habitants dans 10 ou 20 ans ? Malgré les beaux discours, nous constatons que rien ne change : bétonnisation des dernières ceintures vertes, grands projets inutiles, multiplication des ZAC, habitat pavillonnaire…

4. Imperméabilisation urbaine et inondations

Il est prévu d’imperméabiliser environ les deux tiers de la surface du projet qui est de 23,5 ha, en comptant bâtiments, routes et parkings. La zone qui va être imperméabilisée est une zone particulièrement humide comme en atteste un réseau dense de fossés d’évacuation et la présence d’une source. Cette zone se situe par ailleurs dans une cuvette, et en tête de bassin d’un affluent de la Lironde, connue pour ses crues éclair. Cette zone ne sera pas à l’abri des inondations, comme en attestent le ravinement important et les dépôts de pierres et de sédiments laissés sur plusieurs dizaines de mètres de large par la dernière crue au niveau notamment de la parcelle n°1.

 

Des locaux nous ont par ailleurs témoigné avoir connu des inondations dramatiques avec des voitures emportées au niveau de la D127. Mais les conséquences ne s’arrêtent pas à la prise de risque localisée au niveau du projet Décathlon, puisque cette imperméabilisation de plus de 15 ha aura évidemment des conséquences en aval, en aggravant l’aléa inondation lié à la Lironde, qui devrait être réévalué suite aux nombreux aménagements réalisés ces dernières années.

Les derniers événements climatiques sont venus nous rappeler à quel point il est nécessaire de changer les pratiques, or avec ce projet, il s’agit bien au contraire de continuer à répéter les mêmes erreurs.

III. Arguments naturalistes

 

1. Un paysage en voie de disparition

Il s’agit d’une zone semi-naturelle à proximité de Montpellier, ayant donc une valeur importante dans le cadre de vie de nombreux habitants. L’impact paysager de ce projet sera fort dans une cuvette actuellement assez préservée, organisée autour d’un domaine agricole cohérent dans l’espace, en tête de bassin d’un affluent de la Lironde, qui est très proche. Ce type de paysage exempt de tout centre commercial est aujourd’hui en voie de disparition à proximité de l’agglomération, il est donc à préserver face à la dynamique de grignotage progressif de l’environnement périurbain. Par ailleurs, c’est un corridor écologique important (voir plus loin).

2. L’étude d’impact n’a pas utilisé toute l’information disponible sur la faune et la flore

Nous observons que malgré une mention, dans le rapport des Écologistes de l’Euzière, des ressources bibliographiques et bases de données consultées, l’ensemble des données disponibles n’a pas été correctement exploité.

En effet nos propres recherches établissent qu’à proximité de la zone d’étude les éléments suivants étaient disponibles sur la faune et la flore présentes sur le site et à proximité :

Source Ligue pour la Protection des Oiseaux de l’Hérault
– Rollier d’Europe (Protection nationale), lieu-dit Fontanelle – St-Clément-de-Rivière, Mai 2012.
– Faucon crécerelle (Protection nationale), lieu-dit Fontanelle – St-Clément-de-Rivière, Juil 2014.
– Rouge-gorge familier (Protection nationale), lieu-dit Fontanelle – St-Clément-de-Rivière, Jan 2014.
– Buse variable (Protection nationale), lieu-dit Mas de piquet – Grabels, Déc 2012.
– Hérisson d’Europe (Protection nationale), lieu-dit La pinède – St-Clément-de-Rivière, Juil 2014

Source Base de données Amphibiens-Reptiles du Sud de la France (MALPOLON)
– Couleuvre de Montpellier (Protection nationale), 1 adulte mâle au croisement D127 D986 – St Clément de Rivière, mai 1982
– Rainette méridionale (Protection nationale) présente à moins de 300 mètres de la zone d’étude.
– Pélodyte ponctué (Protection nationale) présent à moins de 300 mètres de la zone d’étude.

Source Conservatoire Botanique National Méditerranéen de Porquerolles
Inula helenioides (Protection nationale), Saint-Clément-de-Rivière, 1983.
Leucojum aestivum (Protection nationale), Saint-Clément-de-Rivière, 1993.
Spiranthes spiralis (Protection nationale, Liste rouge), Saint-Clément-de-Rivière, 2002.
Anemone coronaria (Protection nationale), Grabels, 2011
Bifora testiculata (Liste rouge), Grabels, 2012.
Gagea granatelli (Protection nationale), Grabels, 2004.
Gagea pratensis (Protection nationale), Grabels, 2004.
Gladiolus dubius (Protection nationale, Liste rouge), Grabels, 2011.
Nectaroscilla hyacinthoides (Protection nationale), Grabels, 2012.
Ophrys speculum (Protection nationale, Liste rouge), Grabels, 2005.
Teucrium polium susp clapae (Protection nationale), Grabels, 2010.
Vitex agnus-castus (Protection nationale, Liste rouge), Grabels 2012.

Nous relevons par ailleurs qu’aucune mention n’est faite d’une consultation des données du Conservatoire des Espaces Naturels du Languedoc-Roussillon (CEN L-R).

Cette étape préalable, même si elle ne remplace pas des investigations de terrain, est essentielle pour construire l’état initial. Visiblement les potentialités du site au regard de la bibliographie existante ont été largement sous-estimées.

3. Notre analyse groupe par groupe

a. MAMMIFERES

Pour les Chiroptères, nous nous bornerons à souligner que malgré le fait que ce groupe soit celui sur lequel le plus d’efforts de prospection ont été consacrés (et par conséquent, qu’il soit le plus mis en avant dans l’étude), un effort supplémentaire de prospection était demandé dans l’Étude d’Impact. Or il ne semble pas que celui-ci ait été accordé par le porteur du projet, ce qui est regrettable. Il est donc possible que les enjeux Chiroptères, déjà considérés comme importants, soient en réalité plus élevés que ce qui est relevé dans l’étude d’impact. On notera en particulier, l’absence de contrôle à l’intérieur des bâtiments du domaine des Fontanelles.

Pour la grande faune, nos propres sorties sur le terrain ont montré une très forte présence de sangliers avec des empreintes très nombreuses sur l’ensemble du domaine, particulièrement le long de tous les corridors arborés (ripisylves), et l’observation directe de 5 individus en pleine journée. Nous avons également constaté, suite aux intempéries et à l’ameublissement de la terre, de nombreuses empreintes de renards et de Mustélidés (Fouine) – espèces non mentionnées dans l'étude – le long des mêmes corridors, ce qui permet d’attester de leur utilisation intensive par des mammifères essentiellement en déplacement nocturne.

 

b. OISEAUX

L’EIE parle de 21 espèces d’oiseaux contactées, mais n’en liste que 18 en annexe. Quelles sont les trois autres ?

La synthèse des enjeux écologiques ne conserve que 6 espèces (Sterne hansel, Huppe fasciée, Guêpier d’Europe, Serin cini, Faucon crécerelle, Cisticole des joncs). Étrangement cette liste des enjeux ne cite pas seulement des espèces rares puisqu’une espèce extrêmement commune est citée : le Serin cini. On ne comprend pas très bien dès lors le sens de la sélection qui a été réalisée.

Deux passages rapides au mois d’octobre nous ont permis de détecter plusieurs autres espèces sur l’emprise du site même, qui ne sont pas citées dans l’annexe de l’étude :
 – Alouette lulu (> 3 chanteurs en Octobre),
 – Bergeronnette des ruisseaux (1),
 – Bergeronnette grise (x5),
 – Busard des roseaux (migration),
 – Buse variable (x3 posées et en chasse),
 – Chardonneret élégant (x10),
 – Épervier d’Europe (chasse),
 – Fauvette mélanocéphale (x3),
 – Geai des chênes (x3),
 – Linotte mélodieuse,
 – Mésange charbonnière (x),
 – Perdrix rouge (un mâle chanteur),
 – Rougegorge familier (1),
 – Tarier pâtre (1 femelle),
 – Troglodyte mignon (x2).

Certaines espèces communes dans ce type milieu auraient dû être détectées (Fauvette mélanocéphale, Rougegorge, Mésange charbonnière, Geai, Perdrix rouge...). D’autres montrent que le site est utilisé non seulement comme corridor et comme zone d’alimentation (en l’occurrence, au moment de nos relevés, en période de migration).

L’Alouette lulu est une espèce patrimoniale, inscrite à la directive Oiseaux, bien présente sur le site, très probablement nicheuse et non citée dans le rapport. L’alouette lulu est une espèce dont la tendance nationale est à la baisse du fait de la disparition de ses habitats typiquement agricoles. Ses populations se portent bien en Languedoc-Roussillon mais reculent en zones périurbaines. C’est donc un enjeu typique dans le contexte de ce projet.

La présence de rapaces (3 Buses variables et une Épervier d’Europe en chasse) montre que ce site est utilisé comme zone de chasse. Il est probable que ce rôle soit sous-estimé. La LPO Hérault nous signale par ailleurs qu’il est possible que cette zone soit utilisée par le Hibou Grand-Duc des sources du Lez.

Aucune prospection des oiseaux nocturnes n’a été réalisée alors que le site présente des habitats favorables pour au moins quatre espèces patrimoniales :
 – Engoulevent d’Europe
 – Petit-duc Scops (un couple connu à 800 mètres du site)
 – Chouette chevêche
 – Chouette hulotte

Pour d’autres espèces, leur absence est étonnante soit parce qu'elles sont très communes, soit parce qu’elles sont connues sur ce site, en particulier le Pouillot de Bonelli.

L’absence d’un grand nombre d’espèces dans l’EIE, dont certaines à enjeu important dans ce type de contexte, et la facilité avec laquelle nous avons pu observer 15 espèces supplémentaires, reflètent la pauvre qualité du dossier et surtout l’insuffisance de moyens qui ont été consacrés à cet inventaire.

Enfin, les rendus cartographiques faisant état des zones où ont été observées la Huppe fasciée et le Rollier d’Europe sont trompeuses et n’ont aucune valeur d’expertise. Les surfaces couvertes sur ces cartes sont bien trop réduites pour subvenir à un couple de Rollier d’Europe ou de Huppe fasciée durant la période de reproduction. Ces cartes, peut-être parce qu’elles ne sont pas commentées pour aider l’interprétation des résultats, font donc état d’une méconnaissance de ces espèces ; elles semblent de plus être particulièrement arrangeantes quand à l’impact de l’aménagement sur les espèces patrimoniales présentes, en représentant des utilisations majoritairement hors de la zone impactée.

La simple confrontation avec nos observations personnelles (carte) et une donnée fournie par la LPO Hérault montre que le territoire du couple de Rollier est bien plus vaste que l’enveloppe dessinée, qui épouse les limites des parcelles cadastrales 4 et 5 à l’ouest. En effet, le Rollier a été observé tout autour de la zone du projet, au Nord par la LPO, à l’ouest, au Sud et à l’est par nous. Nous en déduisons que le territoire du Rollier couvre l’intégralité de la zone du projet, et non seulement un tiers comme le présente l’étude d’impact. Ce territoire minimisé tend à faire croire que l’impact sera marginal (car près des frontières du territoire) alors que nos observations montrent que le projet se trouve au beau milieu du domaine vital du couple.

Au vu du peu de passages réalisés sur le terrain, et quand bien même dix passages auraient été effectués, des observations ponctuelles ne sauraient représenter les domaines vitaux de ces oiseaux. Nous rappelons que l’utilisation des espaces de chasse par les oiseaux varie tout au long de la période de nidification, au fur et à mesure de l’émergence et de l’épuisement des ressources de nourriture. L’utilisation de telle ou telle parcelle ne pourrait donc être strictement avérée que par l’utilisation de systèmes de suivi permanent par GPS. Quand bien même, les résultats obtenus ne seraient valables que pour l’année en cours et ne sauraient être prédictifs d’une année sur l’autre, les explosions des populations d’insectes étant en effet très irrégulières car dépendantes de nombreux facteurs dont le climat.

Nous concluons que ces éléments ne sont pas pertinents et n’ont donc pas leur place dans le document d’enquête publique. Ils induisent le lecteur en erreur et donnent lieu à des conclusions caricaturales.

c. AMPHIBIENS

L’étude ne mentionne aucune espèce d’amphibiens, alors que les milieux paraissent particulièrement favorables à la présence d'espèces protégées : présence d’une source au cœur du site, d’un ruisseau et d’un réseau dense de fossés à faible pente créant de nombreuses retenues d’eau. Une sortie le 25 octobre 2014, soit un mois après les grosses pluies de fin septembre, nous a permis de dénombrer pas moins d’une vingtaine de petites réserves d’eau stagnante disséminées sur tout le site, potentiellement propices pour la reproduction des amphibiens. Contrairement à ce qu’affirme trop rapidement l’EIE, la source et les nombreux fossés qui créent des habitats intéressants ne sont pas tous « remplis de ronces », en particulier le long du cours d’eau et d’un linéaire important de fossés maillant la zone agricole, particulièrement à l’ouest et au nord, mais aussi dans une moindre mesure au sud et à l’est.

Après 10 minutes de recherches bibliographiques (DREAL LR – base de données MALPOLON), nous constatons que la Rainette méridionale (protection nationale, annexe IV de la Directive Habitats) et le Pélodyte ponctué (protection nationale), sont connus à moins de 300 mètres de la zone d’étude. Aucune de ces espèces n’a été citée dans l’étude, et aucune n’a été considérée comme potentielle malgré la présence d’une source sur le site d’étude !

Un individu de Grenouille rieuse/de Graf (Pelophylax sp., en photo ci-après) a par ailleurs été observé et photographié sur le site, au niveau de la zone humide ouest, le 25/10/2014 (période pourtant tardive pour les prospections amphibiens).

 

Il est incompréhensible que des prospections dédiées à la recherche d’amphibiens n’aient pas été réalisées sur ce site. Ce groupe a été totalement ignoré. L’étude d’impact est donc très incomplète.

Nous rappelons que toutes les espèces d'amphibiens autochtones sont protégées en France de sorte que leur présence sur l'emprise du projet est susceptible de nécessiter la réalisation d'un dossier spécifique auprès du CNPN.

d. REPTILES

L’étude d’impact déclare qu’aucun reptile n’a été observé sur le site. Nous considérons que les prospections ont été très nettement insuffisantes.
Après une rapide visite des lieux, nous considérons les espèces suivantes comme très probables sur le site qui présente de nombreux habitats favorables (présentées par ordre décroissant d’enjeu régional) :

 – Sceps strié
 – Couleuvre de Montpellier (une donnée dans la base MALPOLON)
 – Couleuvre à échelons
 – Lézard des murailles
 – Lézard vert occidental

La présence sur l'emprise du projet de milieux semi-ouverts, incluant à la fois des caches, des territoires de chasse et des sites de thermorégulation sont très favorables pour ces espèces, par ailleurs largement répandus dans les territoires environnants. Leur présence est donc hautement probable sur le site.

Nous avons d’ailleurs observé trois individus de Lézard des murailles lors de la sortie terrain du 25/10/2014 dans la zone boisée centrale, malgré l’époque tardive pour les prospections reptiles. L’un d’eux a été photographié.

 

Toutes ces espèces font l’objet d’une protection nationale. Par ailleurs, selon la DREAL LR la responsabilité régionale est très forte pour le Sceps strié et pour la Couleuvre de Montpellier, et forte pour la Couleuvre à échelons. Le Lézard des murailles et le Lézard vert occidental sont quant à eux inscrits comme espèces d’intérêt communautaire dans la Directive Européenne « Habitats, Faune, Flore ».

Nous comprenons que certaines espèces de reptiles peuvent être très difficiles à détecter sur le terrain. C’est pourquoi l’étude herpétologique d’un secteur doit se baser sur des passages répétés et une bonne connaissance de l’habitat des espèces. La non détection n’est pas une tare, mais la conclusion proposée dans le rapport fourni fait froid dans le dos : « Aucune espèce n’a été contactée. Par conséquent, il n’y a pas de risque de destruction d’espèce patrimoniales ». La non détection peut être mise sur le compte d’un personnel débutant ou de conditions défavorables. Par contre, la conclusion qui en tirée est de l’ordre de la faute professionnelle.

Concernant l’aménagement du projet en lui-même, rappelons que la première cause de mortalité des reptiles dans la région LR est la collision routière (Geniez, Atlas des Amphibiens et Reptiles du Languedoc Roussillon, 2012). Un tel projet, de part l’extension du réseau routier sur le territoire des reptiles cités précédemment, augmentera considérablement la mortalité des adultes ; il induit donc un impact fort sur les populations à court ou moyen terme. Aucune mesure d’atténuation n’a été proposée. Par exemple, une stratégie de canalisation des individus vers des franchissements routiers (sous la route) pour les reptiles et amphibiens serait vivement recommandée afin de diminuer l’impact de l’aménagement et de répondre aux objectifs du développement durable.

e. INSECTES

9 espèces de papillons, 1 espèce d’odonate, 1 espèce d'orthoptère et 1 espèce de cigale sont mentionnées en annexe de l’EIE, ce qui constitue un inventaire extrêmement pauvre pour ces groupes.

Il nous semble que la pression d’inventaire a été faible car nous avons pu observer d’autres espèces communes lors de nos sorties sur le site. Nous n’avons vu aucune mention de date de prospection concernant spécifiquement les insectes dans le calendrier de prospection, ce qui est particulièrement étonnant pour ce groupe incontournable lors d’une étude d’impact. Cette faible pression d’échantillonnage peut expliquer l’absence d’espèces patrimoniales dans la liste. S'il ne s’agissait pas forcément de faire un inventaire complet des insectes, il s'agissait de ne pas manquer les éventuelles espèces patrimoniales. Nous avons en particulier relevé des potentialités intéressantes pour deux espèces de papillon patrimoniales et faisant l’objet d’une protection nationale :

– la Zygène cendrée Zygaena rhadamanthus (présence de la plante hôte, la badasse)
– la Diane Zerynthia polyxena (le long du cours d’eau, présence d’Aristoloches sur la zone d’étude) – espèce menacée en France

Aucune de ces deux espèces n’est mentionnée dans le rapport, ne serait-ce que comme potentielle.

Il est par ailleurs étonnant qu’aucune prospection n’ait été réalisée spécifiquement pour trouver la Magicienne dentelée (Saga pedo) espèce protégée nationalement et qui pourrait être présente, notamment dans le triangle de garrigue qui doit être défriché au nord de l’emprise. Aucune mention de visite en période favorable concernant cette espèce (nuit d’été chaude) n’est présente dans le rapport. On imagine mal que les prospections nocturnes estivales réalisées pour les chauves-souris aient pu également concerner cet orthoptère.

Comme pour les reptiles, la conclusion hâtive qui est faite relève de la faute professionnelle : « Le projet n’aura pas d’impact direct sur des invertébrés patrimoniaux car aucun espèce patrimoniale n’a été contactée. »

Même si l’impact attendu sur les espèces d’invertébrés n’est pas conséquent, il serait apprécié que l’on discute des conditions de ce faible impact (respect et gestion des berges du cours d’eau ; épargner le triangle de garrigues de 6000 m² au Nord de la zone d’emprise du projet, objet d’un arrêté préfectoral de défrichement).

f. FLORE

La période automnale n’est pas propice aux prospections botaniques. Néanmoins notre passage rapide sur le site à une mauvaise période confirme l’essentiel des données d’observation de l’étude faite au mois de mars, ce qui laisse penser que la pression d’inventaire a été légère. Comme nous l’avons montré plus haut, la simple étude de la bibliographie facilement accessible (notamment, Conservatoire botanique national méditerranéen de Porquerolles) montre de nombreuses potentialités (3 espèces protégées sur St Clément de Rivière, 9 sur Grabels).

Une seule sortie flore, le 8 Mars 2013, ne pouvait suffire pour établir un réel état des lieux de la végétation en place. Cette sortie à été effectuée à une période convenable pour observer certaines plantes à floraison précoce (flore vernale), alors qu’il aurait fallu la doubler a minima d’une sortie supplémentaire en avril ou mai. Ainsi, l'Inule faux-hélénium (Inula helenioides), espèce menacée, est visible en Juillet et difficilement identifiable en mars. Les prospections réalisées sont donc notoirement insuffisantes, d'autant que la présence d'habitats susceptibles d'héberger une diversité floristique intéressante (milieux semi-ouverts en partie nord de la zone d'étude en particulier), augure de vrais enjeux potentiels, mais avec une phénologie plus tardive (floraison maximale en avril-mai).

Il y a donc eu sous-prospection pour la flore, en plus du choix d’une période d’inventaire qui n’était pas adaptée.

Nous notons également la présence dans la pinède centrale et en bordure de la zone nord de pelouses à Brachypode rameux, comme suggéré dans le relevé botanique et comme nos propres observations l’ont confirmé. Cette espèce étant constitutive de l’habitat « Pelouses méditerranéennes occidentales xériques » (code corine 34.51, à Brachypode rameux), nous nous étonnons de son absence de mention dans l’inventaire des habitats de la zone étudiée. Pour rappel cet habitat est en forte régression et sa diversité et sa spécificité floristique sont élevées. Pour cette raison, il est protégé en tant qu'habitat prioritaire (code 6220*) par la Directive 92/43/CEE Habitats, Faune et Flore.

4. Conclusions sur l’effort de prospection

a. Un calendrier de prospection insuffisant et incohérent

Comme nous l’avons montré pour chaque groupe, les prospections, y compris pour les Chiroptères (groupe le plus étudié), ont été insuffisantes. Il est très probable qu’un certain nombre d’espèces à statut de protection n’aient pas été vues par manque de temps alloué à leur recherche :

 – pas de prospection spécifique aux amphibiens,
 – pas de prospection spécifique aux reptiles,
 – pas de prospection spécifique aux oiseaux nocturnes à enjeux,
 – une seule sortie flore, à une saison inadéquate
 – pas de prospection spécifique pour les insectes,
 – pas de prospection spécifique aux principaux insectes patrimoniaux (dont nocturne pour Saga pedo),
 – sous-prospection reconnue pour les chauves-souris.

b. Un site à forte potentialité et une aire d’étude à élargir

Suite à nos recherches bibliographiques, et à 3 visites sur le terrain à l’automne 2014 (par 6 naturalistes), la potentialité globale du site nous paraît importante et par conséquent, nous pensons qu’elle a été très mal évaluée.

Plusieurs raisons devraient amener à élargir la zone d’étude :

  • la zone d’étude telle que délimitée sur carte est restreinte de manière exagérée à la stricte emprise du projet alors qu’il existe des milieux intéressants contigus à la zone, qui seront affectés par la présence d’une zone commerciale, et qui sont fonctionnellement connectés à celle-ci ;
  • le projet va fragmenter une zone favorable aux Rolliers d’Europe, espèce protégée, dont le territoire s’étend de part et d’autre du site, et qui va donc être coupé en deux, forçant très probablement le couple à déserter la zone suite au projet ;
  • comme mentionné en page 20 du résumé non technique, le projet est concerné par deux zones du plan de prévention des risques d’incendie de forêt. Outre une étude spécifique « risque incendie », jointe au dossier, il est fait mention d’une interface incendie de 50 m au contact des zones A (la pinède centrale) ou des espaces en nature de bois, forêt, landes, garrigues… Cette bande de 50m doit être débroussaillée et comporter les équipements nécessaires à la lutte contre les incendies. Nous n’avons pas trouvé mention d’un élargissement de l’aire d’étude qui prenne en compte cette bande de 50 m, qui forcément aura un impact destructeur sur les milieux concernés. La mise en place des équipements nécessaire à la lutte incendie implique des opérations qui auront un effet qui n’a pas été mesuré dans l’étude d’impact environnementale.

5. Une fonction de corridor biologique négligée

En page 29 du résumé non technique de l’étude d’impact nous est présentée une carte de synthèse de la trame verte et bleue et des éléments fragmentant, dans laquelle la zone d’étude est délimitée. On voit clairement sur cette carte de synthèse que le projet introduit une fragmentation importante dans le corridor des habitats ouverts et semi-ouverts de la trame verte, puisqu’il coupe littéralement en deux le corridor existant. Cette coupure, au vu de l’emprise au sol du projet, fermerait définitivement tout accès vers l’Ouest de la D986, ce corridor étant en connexion avec le corridor de la trame verte qui s’étend vers Saint-Gely-du-Fesc.

Dès lors, nous nous étonnons qu’après avoir affirmé, dans cette même page 29, que le maintien du réseau écologique représente un enjeu très important, notamment à l’échelle élargie du Lez, de la Lironde et de la Mosson, dans la phrase suivante il est affirmé que le projet n’est pas de nature à remettre en cause les trames vertes et bleues du territoire. Aucune justification n’est apportée pour étayer cette affirmation. Aucune information complémentaire n’est apportée par le rapport des Écologistes de l’Euzière, page 36, qui ne conclut rien sur ce sujet.

L’isolement de plus en plus important des populations animales dans des îlots naturels ou semi-naturels délimités par des barrières infranchissables conduit inéluctablement et progressivement à une vulnérabilité accrue de ces populations aux moindres perturbations. A terme, les espèces les plus spécialisées disparaissent (souvent les plus patrimoniales). Il s’ensuit un appauvrissement de la diversité biologique, une banalisation des milieux, et une perte de patrimoine.

Par ailleurs, à l’échelle de l’agglomération, il convient de tenir compte du fait qu’avec le cumul des projets de bétonnisation de la ceinture verte au sud de Montpellier (Route de la Mer, OZ, A9 bis, CNM, gare nouvelle), le dernier corridor écologique majeur permettant de traverser d’est en ouest la trame urbaine de Montpellier par le sud (à 7 km de la mer) va disparaître à court terme. Il s’ensuit que la barrière de béton entre est et ouest fera désormais pas moins de 17 km depuis la mer (Carnon plage), jusqu’au nord de Montpellier, précisément au nord de Trifontaine. Ce corridor est-ouest sera donc le premier depuis la mer, permettant par la Lironde (corridor déjà bien rétréci au niveau d’Agropolis) de rejoindre celui du Lez. Si cette zone vient à être urbanisée, alors la barrière s’étendra sur 20 km depuis la mer.

Sur place, les informations que nous avons recueillies montrent clairement que la zone d’étude est une zone de passage : les très nombreuses traces de sangliers, de renards et de mustélidés observées au sol sur toute la zone en sont le témoin.

En outre, le Rollier d’Europe occupe la zone d’étude (cf p 27 du rapport remis par les Écologistes de l’Euzière ; et carte ci-dessus donnant des observations complémentaires) : ce projet, cumulé à l’urbanisation des “Hauts de Fontanelles” au Nord, va véritablement couper en deux son territoire, déjà contraint au Sud, à l’Est et au Nord par l’urbanisation. Cette contrainte supplémentaire fera très probablement partir ce couple. Il est pourtant écrit dans l’analyse des impacts « la construction d’un lotissement multi-activité n’aura pas d’impacts sur ces espèces puisqu’elles auront la possibilité de se déplacer sur des sites plus favorables à leur alimentation sur tout le secteur Nord-Est au droit de la zone pour le Rollier d’Europe »… On comprendra donc que, « grâce » à ce projet, ces espèces vont pouvoir se déplacer vers des habitats plus favorables… Il s'agit d'un abandon franc et net d’un des objectifs majeurs du développement durable : faire cohabiter patrimoine et activités humaines. Signalons que ce couple de Rollier d’Europe n’est pas isolé, mais fait partie d’une population qui occupe les terrains agricoles du Nord de Montpellier, dont les territoires et la répartition sont de plus en plus morcelés par les opérations d’urbanisme sur terres agricoles. Ce projet ne fera qu’accentuer la tendance.

Au final, nous nous demandons quels sont les éléments qui permettent d’affirmer que le projet n’est pas de nature à remettre en cause les trames vertes et bleues du territoire, alors même qu’il introduit une coupure, en fragmentant définitivement un corridor existant, comme cela apparaît clairement sur la carte de synthèse de la trame verte et bleue régionale ?

6. Des impacts systématiquement sous-estimés

L’enjeu fort pour les chauves-souris est probablement encore sous-estimé puisque l’étude a jugé que des inventaires complémentaires étaient nécessaires. Par ailleurs, les grosses lacunes des inventaires, qui se terminent par des conclusions lapidaires « pas vu, pas d’impact », conduisent évidemment à sous-estimer artificiellement les impacts de ce projet.

Le dossier est parsemé d’erreurs d’appréciation grossières. Sans rentrer dans des débats de sémantique, l’étude Natura 2000 utilise le terme d’ « intérêt écologique » des habitats présents, dans un tableau faisant en fait état de la valeur patrimoniale de ces habitats. La différence entre ces termes est primordiale pour un professionnel de l’évaluation environnementale. En effet, l’évaluation de la valeur patrimoniale est une procédure technique bien précise, quand la notion d’intérêt écologique, jugée FAIBLE sans être définie, est un terme particulièrement général. L’intérêt écologique d’un habitat est une notion subjective, qui pourra différer selon les approches. Les professionnels ou habitués du site examinant ces habitats, pourront y trouver de nombreux intérêts dits “écologiques” :

  • intérêt pour le gibier,
  • intérêt pour les services écologiques rendus par les écosystèmes tels :
    • un beau paysage,
    • un rôle dans les mécanismes d’infiltration des eaux de pluie dans les nappes phréatiques,
    • un rôle dans l’écrêtement des crues.

Pour les naturalistes, l’intérêt écologique peut résider dans la patrimonialité, mais aussi dans la fonction de corridor écologique permettant la circulation des espèces.

En conclusion, c’est une faute pour un écologue que de généraliser ses conclusions à partir d’un tout petit domaine de l’expertise, d’autant que, dans ce cas, il y a différentes interprétations possibles et les « intérêts écologiques » présents ne peuvent pas toujours être considérés comme « 100 % faibles », particulièrement dans un contexte local tendant à l’urbanisation.

Nous pensons que ce dossier doit être complètement repris en rehaussant considérablement le niveau d’exigence (et par conséquent, de moyens alloués à l’étude initiale). Par ailleurs, une fois les inventaires correctement complétés, la découverte très probable d’un certain nombre d’espèces protégées supplémentaires, la perspective de destruction du triangle de 6000 m² de garrigue au nord de la zone, ainsi que la zone de 50 m de débroussaillement supplémentaire, devraient très probablement amener à la réalisation d’un dossier de demande de dérogation pour la destruction d'espèces protégées auprès du CNPN.

La construction de cet aménagement en plein territoire d'un couple de Rollier, et la présence avérée de Lézard des murailles, devraient suffire à exiger un tel dossier.

Nous rappelons qu'en application des articles L411-1 et suivants du code de l'environnement, en l'absence de dérogation, la destruction d'espèces protégées est interdite sur tout le territoire métropolitain et en tout temps, ainsi que la perturbation intentionnelle des animaux dans le milieu naturel. Le délit de destruction d'espèce protégée est prévu à l’article L.415-3 du code de l’environnement et est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

7. Des mesures compensatoires inadaptées

En premier lieu, il est étonnant pour nous que des mesures compensatoires soient prévues pour reconstituer une zone humide alors qu’aucun inventaire sérieux de son état initial n’a été effectué, avec zéro espèce d’amphibien inventoriée. Il nous semble qu’il y a une disproportion dans les moyens mis en œuvre, qui tend à minimiser la valeur de l’état initiale, et à cacher la misère par quelques mesurettes symboliques.

Concernant les amphibiens, aucun aménagement concret n’est prévu en accompagnement de l’aménagement de zones humides pour éviter les collisions routières alors que la zone doit être dotée d’un maillage routier important à proximité immédiate desdites zones humides : aucun passage à faune, pas de stratégie de passage. Ce problème se pose également pour les reptiles.

La plus grande partie des aménagements compensatoires concerne les chauves-souris. Nous considérons les mesures proposées comme inadaptées, notamment parce que les impacts ont été sous-estimés, et parce que la création de gîtes supplémentaires ne compense ni la perte d’habitat de chasse, ni la perte de corridor écologique.

Par ailleurs la création de gîtes méconnaît l’écologie des espèces qu’elle cible. Ainsi il est proposé de transformer un cabanon de vigne en gîte pour les Grands Rhinolophes, or il est très peu probable que cette espèce vienne s’installer dans un espace réduit de seulement 6 mètres cubes. Cette probabilité devient nulle lorsqu’il est envisagé que cet “aménagement” soit réalisé en bordure de la zone commerciale qui produira un éclairage et une fréquentation pédestre et routière totalement défavorables à cette espèce. Par ailleurs, l’étude affirme que cet aménagement pourrait profiter également à d’autres espèces, cependant nous observons que :

  • le Rhinolophe de Méhély est une espèce éteinte en France,
  • la Noctule commune ne fait l’objet d’aucune mention dans les environs, et est très probablement absente,
  • le Minioptère de Schreibers ne gîte que dans de vastes grottes,
  • le Molosse de Cestoni gîte uniquement dans les plus grandes falaises ou les grands bâtiments.

Par conséquent cette mesure n’est pas sérieuse, et met malheureusement en évidence qu’aucune personne compétente n’a participé à son élaboration.

Concernant l’avifaune, il est prévu d’installer des nichoirs notamment pour la Huppe fasciée et le Rollier d’Europe. Nous nous interrogeons là encore sur la pertinence de cette mesure : en effet, à quoi bon mettre plus de nichoirs quand on détruit une bonne partie des habitats de chasse présents dans ce secteur ? Ces nichoirs feront, dans le pire des cas, augmenter le nombre de collisions de ces espèces avec le réseau routier densifié. On parle dans ces cas-là de « trappe écologique ».

Enfin, nous nous étonnons de la taille de l’enveloppe consacrée aux « suivis écologiques », comparée à celle des aménagements compensatoires. Depuis quand les « suivis écologiques » compensent-ils les fonctionnalités et la biodiversité perdus ?

8. Absence d’avis de l’Autorité Environnementale

Étant donné les nombreuses défaillances de cette étude nous nous étonnons que l’Autorité Environnementale ait émis un avis tacite. Il nous paraît assez inexplicable que la DREAL ait laissé passer un dossier aussi mal préparé.

Toutefois nous avons trouvé de possibles explications dans un rapport national du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD) : L’autorité environnementale en DREAL (2011).

Au sujet des avis tacites, ce rapport mentionne que la politique varie en fonction des régions. Dans certaines régions ils sont évités à tout prix, dans d’autres on est plus conciliant comme en Languedoc-Roussillon. Il est mentionné pour cette région qu’il peut être fait un « usage ponctuel d’avis tacites répondant à une grille de questionnement prenant en compte à la fois une nature de dossier à faible effet potentiel et sur des territoires à faibles enjeux », mais aussi que cette décision « fait parfois l’objet de décisions formalisées en comité de l’administration régionale ».

Toutefois, le CGEDD observe que « la pratique constatée de certaines autorités décisionnelles (préfectures départementales essentiellement) utilisant des pratiques de questionnements et atermoiements sur la rédaction du projet d’avis ne permettant pas à l’autorité environnementale (préfet de région) de statuer dans les délais convenus. Il en découle une politique volontaire d’avis tacite correspondant « aux projets les plus dommageables à l’environnement ». Cette situation de détournement caractérisé a été relevée en Languedoc-Roussillon, Limousin, Pays-de-la-Loire, Bretagne".

Parallèlement à notre réponse à l’enquête publique, nous demandons à la DREAL les raisons de cette absence d’avis. Le CGEDD dans son rapport constate que dans le cas général des avis tacites, il existe un projet d’avis émanant de la DREAL qui a été exprimé dans des délais compatibles avec sa signature, mais n’a pas été pris en compte. Si un tel projet d’avis existe, d’après le CGEDD, le code de l’environnement (par transposition de la Convention d’Aarhus) permet à toute personne d’obtenir communication dans un délai maximum d’un mois de la proposition de la DREAL chargée de préparer cet avis, « puisque celle-ci est transmise au préfet sur la base d’un document achevé du point de vue de sa spécificité environnementale ; cette communication ne souffre d’aucune restriction ». Par conséquent, si ce document existe, nous l’obtiendrons, ce qui était difficile dans le court délai de l’enquête publique.

IV. Conclusion

Nous considérons que cette étude présente de grosses insuffisances et que certaines erreurs relèvent de fautes professionnelles. Néanmoins, à la décharge des Écologistes de l’Euzière qui ont réalisé l’étude, nous sommes également conscients que le porteur du projet a sa part de responsabilité dans les choix qui ont été faits, notamment en termes de moyens alloués à l’étude, et probablement dans l’accélération de la procédure. Les auteurs de l’étude d’impact avaient demandé des inventaires supplémentaires (mentionné pour les chiroptères dans l’EIE) mais ne les ont visiblement pas obtenus, et même si l’état initial est très indulgent, la conclusion de l’étude est que ce projet, s’il est réalisé, aura un impact fort.

La tentation de faire réaliser des études au moins disant et de tenter des passages en force comporte des risques importants que les porteurs du projet ne peuvent pas ignorer. Aussi, nous souhaitons vivement que vous émettiez un avis négatif à l’issue de cette enquête.

Les appétits spéculatifs des promoteurs ne peuvent s’arrêter d’eux-mêmes. Par ailleurs, nous ne sommes pas dupes des arguments “verts” venant d’élus qui s’inscrivent dans une relation de concurrence avec les communes voisines, et souhaitent surtout prendre leur part à la manne financière que représentent de tels centres commerciaux. Il est donc indispensable que la société civile s’exprime, en dehors des élections, pour stopper ce type de projet, qui plus est lorsque ceux-ci se montent en dehors de toute concertation, au terme de procédures bâclées.

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