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Oxylane : réponse à l'enquête publique Loi sur l'Eau

Jusqu'au 11 mars 2015 se tenait l'enquête publique Loi sur l'Eau concernant le projet Oxylane. ACNAT a mis l'accent sur la sous-évaluation de l'état initial des milieux naturels aquatiques, mettant en avant la présence désormais documentée de 3 espèces d'Amphibiens sur la zone du projet, au lieu de zéro dans l'étude d'impact.

Dans le cadre de la précédente enquête publique portant sur le permis d'aménager du centre commercial Oxylane à Saint Clément de Rivière, notre association avait déjà apporté une contribution axée sur l'insuffisance de l'étude d'impact environnementale. Dans son rapport, au chapitre 4 : "les observations" le commissaire enquêteur Léon Brunengo avait résumé nos 13 pages de contre-expertise en 2 lignes, laissant toute la place (16 lignes) à son opinion personnelle. Il y jetait aux oubliettes notre argumentaire au prétexte que l'étude officielle comportait 77 pages et 10 annexes (!). Nous lui avons rappelé que la qualité d'une étude ne se mesure pas nécessairement à son nombre de pages.

 

Table des matières

I. Aucun apport nouveau du dossier Loi sur l'Eau sur la thématique des milieux aquatiques

II. Des milieux aquatiques favorables mais ignorés

III. Des potentialités ignorées

IV. Présence confirmée de trois espèces protégées

V. Des mesures compensatoires mal définies

 


I. Aucun apport nouveau du dossier Loi sur l'Eau sur la thématique des milieux aquatiques

Le dossier Loi sur l'Eau est extrêmement succinct sur le milieu naturel. Il consacre une page au résumé de l'état initial, des impacts attendus et des mesures de réduction et de compensation envisagées, sans rien apporter de nouveau. Il se base donc entièrement sur une étude d'impact que nous avions déjà signalée comme insuffisante lors de la précédente enquête.

L'article R122-5,I du Code de l'Environnement précise que  « Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. »

En l'espèce, le document sur lequel s'appuie ce dossier Loi sur l'Eau ne nous paraît pas proportionné à un projet de centre commercial de 24 ha qui va impacter des terres agricoles (15 ha sur 19), et plusieurs hectares de milieux naturels d'intérêt, y compris aquatiques. L'importance des travaux et le degré d'artificialisation vont être élevés, avec l'imperméabilisation des deux tiers de la surface de l'emprise par des bâtiments, de vastes parkings et un réseau de voies de communication. Le réseau hydrographique constitué d'un réseau de fossés (2,17 ha selon l'EIE page 48), d'un ruisseau et d'une source permanente au centre de la zone, va être remodelé et risque d'être l'objet de pollutions (écoulements, déchets) comme c'est le cas pour la plupart des zones humides à proximité de centres commerciaux. La surface impactée et le niveau d'impact sont donc importants.

L'évaluation de la sensibilité environnementale est d'autant plus cruciale lorsque les incidences prévisibles sur l'environnement sont importantes. Or, l'étude naturaliste comporte une accumulation de lacunes dans l'évaluation de l'état initial, entre autres sur les milieux aquatiques.

Dans le cadre de ce dossier Loi sur l'Eau, il aurait été souhaitable de combler les lacunes de l'étude d'impact concernant les milieux aquatiques présents sur le site, et qui vont être particulièrement impactés.

Nous sommes particulièrement préoccupés par l'absence de véritable inventaire des Amphibiens, qui a conduit les Ecologistes de l'Euzière à considérer que n'ayant rencontré aucune espèce (faute de prospection adaptée), à omettre les Amphibiens dans les conclusions.

Il est incompréhensible que des prospections dédiées à la recherche d’Amphibiens n’aient pas été réalisées sur ce site. Ce groupe ayant été totalement ignoré, et le dossier Loi sur l'Eau ne corrigeant pas cette lacune, il est donc incomplet.

 

II. Des milieux aquatiques favorables mais ignorés

Les milieux paraissent particulièrement favorables à la présence d'Amphibiens :

  • présence d’une source au cœur du site,
  • présence d’un ruisseau et d’un réseau dense de fossés à faible pente créant de nombreuses retenues d’eau notamment dans les secteurs Nord et Ouest, et au niveau du ruisseau la Lironde.

Contrairement à ce qu’affirme trop rapidement l’étude d'impact, la source et les nombreux fossés qui créent des habitats intéressants ne sont pas « trop bouchés par les ronces » et les pentes ne sont pas « trop escarpées pour permettre le déplacement des individus », en particulier le long du cours d’eau et d’un linéaire important de fossés maillant la zone agricole, particulièrement à l’ouest et au nord, mais aussi dans une moindre mesure au sud et à l’est.

Une sortie le 25 octobre 2014, soit un mois après les grosses pluies de fin septembre, nous a permis de dénombrer pas moins d’une vingtaine de petites réserves d’eau stagnante disséminées sur tout le site, potentiellement propices pour la reproduction des Amphibiens au début du printemps.

La présence d'une partie de ces retenues d'eau a été confirmée lors d'une nouvelle sortie le 4 mars 2015, or période de précipitations intenses, ce qui atteste de la durabilité de certaines d'entre elles.

La présence de Nèpe cendrée (punaise aquatique) confirme par ailleurs le caractère stagnant et potentiellement intéressant du ruisseau. Ces éléments ne font que renforcer notre conviction de la favorabilité du site pour les Amphibiens.

Illustration 1 : Nèpe cendrée observée dans le ruisseau de la Fontanelle

 

III. Des potentialités ignorées

L'étude d'impact à laquelle le dossier Loi sur l'Eau se réfère n'a pas utilisé toute l'information facilement disponible puisque deux espèces étaient signalées à proximité du site selon la principale base de données sur les Amphibiens-Reptiles du Sud de la France (base MALPOLON – accessible via le site de la DREAL !) :

  •  la Rainette méridionale (Protection nationale) est signalée présente à moins de 300 mètres de la zone d’étude.
  •  le Pélodyte ponctué (Protection nationale) est signalé présent à moins de 300 mètres de la zone d’étude.

Aucune de ces espèces n’a été citée dans l’étude, et aucune n’a été considérée comme potentielle malgré la présence d’une source sur le site d’étude.

 

IV. Présence confirmée de trois espèces protégées

Un individu de Grenouille rieuse/de Graf (Pelophylax sp., en photo ci-après) a été observé et photographié sur le site, au niveau de la zone humide ouest, le 25/10/2014 (période pourtant tardive pour les prospections Amphibiens).

Deux couples de Triton palmé (Lissotriton helveticus), soit 4 individus, dont une femelle en train de pondre, ont été observés et photographiés (voir ci-après) lors d'une sortie Amphibiens le 4 mars 2015, dans le ruisseau de la Fontanelle.

Lors de la même sortie, un Pélodyte ponctué (mâle chanteur) a été photographié dans le ruisseau de la Fontanelle, ce qui confirme la présence de cette espèce, supposée suite à une consultation élémentaire de la bibliographie.
 

Illustrations 2-3 : grenouille rieuse / de Graf observée sur le site le 25/10/2014

Illustration 4 : site favorable aux Amphibiens, secteur ouest du projet (25/10/2014)

Illustrations 5-6-7 : Tritons palmés, femelle, femelle en train de pondre, mâle.

Illustration 8 : milieu favorable aux Amphibiens (eaux calmes, claires, avec végétation aquatique)

Illustrations 9-10 : Pélodyte ponctué mâle

Nous rappelons que toutes les espèces d'Amphibiens autochtones sont protégées en France (arrêté du 19 novembre 2007 fixant les listes des Amphibiens et des Reptiles protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection). En application des articles L411-1 et suivants du code de l'environnement, en l'absence de dérogation, la destruction d'espèces protégées est interdite sur tout le territoire métropolitain et en tout temps, ainsi que la perturbation intentionnelle des animaux dans le milieu naturel. Le délit de destruction d'espèce protégée est prévu à l’article L415-3 du Code de l’Environnement et est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

La présence de plusieurs espèces d'Amphibiens sur l'emprise du projet est susceptible de nécessiter la réalisation d'un dossier de demande de destruction d'espèces protégées auprès du Conseil National pour la Protection de la Nature.

 

V. Des mesures compensatoires mal définies

La création d'une mare de biodiversité  de 100m² comme mesure compensatoire est envisagée sous réserve d'une étude hydrogéologique qui n'a pas été présentée à notre connaissance : « Disposition différente selon les configurations (étude hydrogéologique au préalable) »

Aucun aménagement n’est par ailleurs prévu pour éviter les collisions routières, en accompagnement de l’aménagement de zones humides (bassins de rétention notamment au niveau de l'échangeur ouest) et d'une mare « déconnectée du système de collecte des eaux de chaussée », alors que la zone doit être dotée d’un maillage routier important entre lesdites zones humides : aucun passage à faune, pas de stratégie de passage.

Dans ce contexte, la création d'une mare, prévue comme mesure compensatoire créatrice de biodiversité, tout en ignorant la biodiversité préexistante, pourrait avoir un effet inverse de celui escompté en créant une situation de « trappe écologique » : attraction des Amphibiens pour la reproduction, provoquant des collisions routières.

Il n'est par ailleurs pas admissible que cette mesure ignore les espèces d'Amphibiens réellement présentes dans ses objectifs, faute d'un état initial suffisamment proportionné à l'ampleur du projet.

Nous observons que cette mesure est dotée d'un volume de suivi de la faune aquatique pendant 2 à 3 ans, de 3 prospections annuelles, alors qu'aucune véritable prospection dédiée aux Amphibiens n'a été réalisée pour l'état initial. Il y a donc une disproportion manifeste, et assumée, dans le principe éviter-réduire-compenser en faveur de la compensation.

Enfin, nous rappelons que les « suivis écologiques » a posteriori ne compensent pas les fonctionnalités et la biodiversité perdus.

Nous rappelons que selon l'article L122-3 du Code de l'Environnement « le contenu de l'étude d'impact […] comprend au minimum […] les mesures proportionnées envisagées pour éviter, réduire et, lorsque c'est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l'environnement . »

Au regard de notre expertise complémentaire, les mesures proposées sont insuffisantes, du fait d'une évaluation de l'état initial trop empreinte d'a priori négatifs.

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